L’amour en tant que « faculté » humaine me semble actuellement être un facteur négligé jusqu’à maintenant de l’évolution humaine : ceux qui mettent l’amour au centre de leur vie et qui ne savent faire que cela meurent souvent seuls, souffrants, abandonnés, amers, déçus etc. Notre époque ressemble d’ailleurs à une sorte de paroxysme de la sélection naturelle par l’amour. Ceux qui aiment vraiment tendent à s’affaiblir plus vite que leurs congénères centrés sur eux-mêmes, et à succomber plus rapidement qu’eux à la disparition et à la mort, soit qu’ils la précipitent ou qu’ils cessent de combattre son ombre en se résignant. L’étrange capacité de ces gens qui « savent » aimer et s’offrir sans mesure à leurs congénères constitue la faiblesse qui fait de ces spécimens une espèce inévitablement en voie de disparition : la force et l’invention la plus prometteuse de l’évolution en nos temps semble définitivement être la capacité de tout attirer à son profit, pour soi tout seul. L’avidité est une trouvaille de l’évolution d’une impressionnante efficacité. Ainsi, ceux qui ne peuvent pas s’empêcher de s’offrir finissent par devenir les proies de leurs congénères avides. Cette situation peut être interprétée de deux manières : ou bien c’est la toute première fois que l’évolution fonctionne de telle manière qu’au sein d’une même espèce les circonstances permettent aux meilleurs de se débarrasser directement de leurs
inadaptés, sans qu’il soit nécessaire qu’une espèce prédatrice dusse contribuer à cette épuration ; ou alors, nous aurions manqué de consigner une nouvelle étape dans l’évolution de l’espèce humaine (qui atteint désormais une telle vélocité qu’on se permet de considérer que le concept darwinien d’évolution devrait tendre à intégrer en lui le facteur culturel pour être opérationnel et applicable à la nouvelle configuration temporelle du phénomène de l’évolution), étape qui consisterait dans le passage de
l’homo sapiens « alteris » à
l’homo sapiens « avidus ». Cette deuxième hypothèse semble assez peu probable dans la mesure où la proportion
d’homo sapiens alteris a toujours été trop minoritaire dans la population humaine mondiale pour atteindre le rang d’« espèce ». Etant donné que la première interprétation semble plus appropriée, je propose en ce jour un petit traité qui nous permettra de faire face à cette apparente fatalité évolutive. En effet, la faculté de raisonnement et de parole de l’humain lui permet d’infléchir le cours de l’évolution, empêchant la Nature seule de nous mener à hue et à dia dans sa marche aveugle. Ainsi, je me propose d’établir une méthode brève, pratique et ludique pour permettre à nos
inadaptés de s’offrir rapidement une deuxième chance de prendre part au formidable chemin de l’humanité vers la performance et l’innovation, en apprenant à être avides, individualistes et centrés sur eux-mêmes, et à ne plus se perdre dans les méandres labyrinthiques de l’empathie, de l’altruisme, de l’abnégation, et de toutes les pathologies de l’amour en général. Enfin coupés de leur primitive tendance à chercher à atteindre Autrui, et en prenant conscience de leur faculté de tout pouvoir puiser en eux-mêmes, qui implique également de vouloir spontanément amener tout l’extérieur à contribuer uniquement à leurs intérêts propres et sacrés, les
inadaptés pourront joyeusement prétendre à l’espoir de participer au monde de demain, et de se libérer de leurs faiblesses obsolètes, contre-évolutives et désormais néfastes à la formidable avancée de l’humanité vers son futur, rayonnant de perfection. Anciens amoropathes, le salut vous attend ! Vous pouvez vous libérer de votre maladie et rejoindre les meilleurs de notre espèce. Vous pouvez vous en sortir !
A suivre, si l’idée enchante…
NB : ce texte est évidemment ironique, au cas où on me prendrait au mot